La corruption et la pêche illégale non-déclarée et non-réglementée (INN) menacent la sécurité alimentaire des populations côtières de Madagascar et de l’océan Indien. Ces pratiques illicites réduisent les stocks de poissons disponibles, tandis que les pêcheurs locaux se retrouvent concurrencés par d’importantes flottes qui s’adonnent à la pêche INN.
La pêche INN englobe des pratiques telles que la pêche sans autorisation, les fausses déclarations de captures, le recours aux méthodes de pêche destructrices, et la pêche dans des zones protégées. Cette pêche INN est souvent alimentée par une quête de profits rapides et favorisée par l’absence de surveillance adéquate et la demande croissante de produits halieutiques. Ces dernières années, la pêche INN est responsable de la surconsommation de certaines espèces de poissons dont le thon.
UNE PERTE ANNUELLE ESTIMÉE À 142,8 MILLIONS DE DOLLARS
Une étude intitulée « Soutenabilité, Stabilité et Sécurité dans le Secteur de la Pêche », menée par le WWF France entre 2016 et 2021 explique que la pêche INN des espèces de thons et de crevettes entraîne chaque année des pertes financières estimées à 142,8 millions de dollars dans les zones économiques exclusives (ZEE) du Kenya, de Madagascar, du Mozambique, de l’Afrique du Sud et de la Tanzanie. Le document indique que près de 36% de l’ensemble de la capture de thons et de crevettes dans ces zones sont potentiellement liée à la pêche INN.
Par ailleurs, 48,7% des captures de thons réalisées dans la région entre 2016 et 2021 seraient potentiellement illégales ou non réglementées, entraînant des pertes financières estimées à 96 millions de dollars par an. Les captures de crevettes jugées illégales représentaient 26,4% des stocks, soit
une perte annuelle de 47 millions de dollars. La Tanzanie est le pays le plus touché par cette pêche INN, enregistrant un manque à gagner de 65,4 millions de dollars par an, soit 46% des pertes totales enregistrées pour les cinq pays étudiés.
Les plus importantes opérations de pêche aux thons dans les ZEE de ces pays sont principalement menées par Taïwan, le Japon, la Corée du Sud, la Chine et l’Espagne, tandis que la Chine, la Grèce et le Portugal dominent la pêche aux crevettes.
Plusieurs autres pays d’Afrique et de la région de l’océan Indien occidental comme sont touchés par une pratique préoccupante de pêche INN, notamment le Sénégal, la Sierra Leone, le Ghana, la Côte d’Ivoire, le Nigeria, l’Angola, la Namibie, la Mauritanie, la Somalie, les Seychelles, Maurice, les Comores. Une étude publiée en décembre 2022 par la revue « Fish and Fisheries » révèle qu’environ 6% des opérations de pêche industrielle menées dans les eaux territoriales de quelque 33 pays et territoires africains sont effectuées dans des zones réservées à la pêche artisanale par les populations locales. Dans d’autres pays, cette pratique est décrite comme « la forme la plus courante de pêche illégale dans la région ».
QUELQUES ÉLÉMENTS-CLÉS DU CADRE JURIDIQUE DE LA GESTION DE LA PÊCHE
Quelques éléments-clés du cadre juridique de la gestion de la pêche
La gestion de la pêche est un défi mondial complexe, nécessitant une réglementation juridique robuste pour garantir la durabilité des ressources marines, la protection des écosystèmes marins et la viabilité économique des industries de la pêche.
Les enjeux complexes de la surpêche, de la conservation de la biodiversité marine et des droits des pêcheurs nécessitent des cadres juridiques nationaux et internationaux solides. La coopération mondiale et la mise en œuvre efficace de ces lois et réglementations sont cruciales pour assurer un avenir durable pour l’industrie de la pêche et la santé des océans de notre planète.
Les défis de la gestion de la pêche
La gestion de la pêche est confrontée à des enjeux complexes : surpêche, utilisation d’outils de pêche destructeurs, dégradation de l’environnement marin et la nécessité de garantir des moyens de subsistance durables pour les communautés de pêcheurs.
- La surpêche : l’une des principales urgences à solutionner pour l’industrie de la pêche. Elle survient lorsque les prises de poissons dépassent les niveaux durables, menaçant ainsi la survie des stocks de poissons. Les lois et réglementations visent à établir des quotas de capture et des périodes de fermeture pour éviter la surpêche.
- La conservation de la biodiversité marine : la préservation des écosystèmes marins et de la biodiversité est une préoccupation majeure. Les mesures juridiques comprennent la création d’aires marines protégées et la réglementation de la pêche dans ces zones pour minimiser les impacts sur les écosystèmes fragiles.
- Les droits des pêcheurs artisanaux : les petites communautés de pêcheurs artisanaux ont souvent des droits traditionnels sur les ressources marines. Les lois doivent protéger ces droits tout en veillant à ce que la pêche soit durable.
- La lutte contre la pêche illégale, Non Déclarée et Non Réglementée (pêche INN) : la pêche INN est un phénomène mondial qui nuit aux ressources marines et à l’économie des pays. Les cadres juridiques comprennent des mesures pour détecter, prévenir et punir la pêche INN.
Le cadre juridique national
Les instruments juridiques nationaux varient en fonction des besoins, des ressources et des priorités de chaque pays. “L’orientation globale de la gestion du secteur de la pêche tourne vers la protection des ressources. Elle s’oriente donc, soit vers la mise en place des aires marines protégées, soit vers la mise en place des Plans d’Aménagement des Pêcheries, soit vers le transfert de gestion des ressources par le biais de la communauté locale. Pour une meilleure gestion du secteur et renforcer ses fonctions régaliennes, le ministère en charge de la Pêche a été obligé de créer les organismes de contrôle, de surveillance, de santé, de financement », explique Mamy Andriantsoa, consultant chargé de l’étude sur le renforcement du cadre juridique de la gouvernance de la pêche malgache.
Voici quelques notions et références-clés de la pêche malgache :
- Loi sur la pêche : la loi 2015-056 du 3 février 2016 portant code de la pêche règlemente cette activité, mais aussi l’accès aux ressources halieutiques, les quotas de capture, les tailles minimales de capture, les engins autorisés et les sanctions en cas d’infractions.
- Création d’aires marines protégées : les aires marines protégées sont créées pour préserver les écosystèmes marins fragiles et protéger les espèces en danger. Ces zones sont soumises à des réglementations spéciales.
- Permis de Pêche : le permis de pêche est un document qui autorise l’exercice de la pêche. Son octroi est assorti de conditions spécifiques pour garantir une pêche durable.
- Systèmes de surveillance et de contrôle : les lois nationales prévoient fréquemment des mécanismes de surveillance et de contrôle pour s’assurer que les pêcheurs respectent les réglementations. Cela peut inclure la surveillance des navires de pêche, l’utilisation de technologies de suivi, et l’application de sanctions en cas d’infractions.
- Aires marines gérées localement (LMMA). A Madagascar, un million de personnes vivent de la pêche et 100.000 hommes et femmes travaillent directement dans ce secteur, selon les chiffres du ministère de la Pêche et de l’Economie bleue. Dans certaines régions côtières malgaches, ces communautés de pêcheurs se sont constituées en associations de gestion locale de zones marines (LMMA) pour défendre une pêche durable, réfléchie tout en maintenant la restauration de la biodiversité marine. Les chiffres officiels du réseau MIHARI indiquent la présence de 178 LMMA dans l’île : ils appliquent des « dina », règlements collectifs, et gèrent les aires marines protégées, en appliquant des méthodes de conservation strictes et communes.
Voici quelques-uns des instruments juridiques internationaux essentiels :
- La Convention des Nations Unies sur le Droit de la Mer (CNUDM) : la CNUDM régit l’utilisation des océans et des ressources marines à l’échelle mondiale. Elle établit les droits et les devoirs des États côtiers et des autres États en matière de pêche et de conservation.
- Le Code de Conduite pour une Pêche Responsable : élaboré par l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), ce code énonce des principes et des directives pour promouvoir une pêche durable à l’échelle mondiale. Il encourage la gestion responsable des ressources marines et la réduction des impacts environnementaux de la pêche.
- Accords Régionaux de Gestion des Pêches : de nombreuses régions du monde ont établi des accords spécifiques pour gérer les pêcheries partagées. Ces accords impliquent la coopération entre pays voisins pour la conservation des stocks de poissons migrateurs et la coordination des activités de pêche.
- Lutte contre la Pêche INN : plusieurs accords internationaux, tels que l’Accord relatif aux mesures du ressort de l’État du port (PSMA), visent spécifiquement à combattre la pêche INN en imposant des normes strictes aux ports pour empêcher l’accès des navires de pêche illégaux.
Ismaël Mihaja
Cynthia Rahelindisa
Rova Andriantsileferintsoa