Actualités

PROCESSUS ÉLECTORAL : TRANSPARENCY INTERNATIONAL - INITIATIVE MADAGASCAR RÉVÈLE LES COÛTS ESTIMATIFS DES POTENTIELS ACTES DE CORRUPTION

ÉCONOMIE BLEUE: LA LUTTE CONTRE LA PÊCHE INN,UN DÉFI POUR L’AFRIQUE ET L’OCÉAN INDIEN

DISTRIKAN’AMBANJA: Sehatr’asa azo ivelomana ny jono saingy simbain’ny tsy ara-dalàna.

Désinformation : un facteur de  corruption électorale

VaovaoCheck : une croisade à la reconquête de l’information

SANTÉ PUBLIQUE :À QUI PROFITE LE FONDS D’ÉQUITÉ ?

Industrie extractive : L’Omnis a mauvaise mine

Espèces sauvages : Tortues de Madagascar, l’éternelle proie des braconniers

RIO TINTO QMM : Des ristournées détournées !

Ligne FCE : un train dans le gouffre

PROCESSUS ÉLECTORAL : TRANSPARENCY INTERNATIONAL - INITIATIVE MADAGASCAR RÉVÈLE LES COÛTS ESTIMATIFS DES POTENTIELS ACTES DE CORRUPTION

ÉCONOMIE BLEUE: LA LUTTE CONTRE LA PÊCHE INN,UN DÉFI POUR L’AFRIQUE ET L’OCÉAN INDIEN

DISTRIKAN’AMBANJA: Sehatr’asa azo ivelomana ny jono saingy simbain’ny tsy ara-dalàna.

Désinformation : un facteur de  corruption électorale

VaovaoCheck : une croisade à la reconquête de l’information

SANTÉ PUBLIQUE :À QUI PROFITE LE FONDS D’ÉQUITÉ ?

Industrie extractive : L’Omnis a mauvaise mine

Espèces sauvages : Tortues de Madagascar, l’éternelle proie des braconniers

RIO TINTO QMM : Des ristournées détournées !

Ligne FCE : un train dans le gouffre

Voir plus d'actualités.
Actualités

PROCESSUS ÉLECTORAL : TRANSPARENCY INTERNATIONAL - INITIATIVE MADAGASCAR RÉVÈLE LES COÛTS ESTIMATIFS DES POTENTIELS ACTES DE CORRUPTION

ÉCONOMIE BLEUE: LA LUTTE CONTRE LA PÊCHE INN,UN DÉFI POUR L’AFRIQUE ET L’OCÉAN INDIEN

DISTRIKAN’AMBANJA: Sehatr’asa azo ivelomana ny jono saingy simbain’ny tsy ara-dalàna.

Désinformation : un facteur de  corruption électorale

VaovaoCheck : une croisade à la reconquête de l’information

SANTÉ PUBLIQUE :À QUI PROFITE LE FONDS D’ÉQUITÉ ?

Industrie extractive : L’Omnis a mauvaise mine

Espèces sauvages : Tortues de Madagascar, l’éternelle proie des braconniers

RIO TINTO QMM : Des ristournées détournées !

Ligne FCE : un train dans le gouffre

PROCESSUS ÉLECTORAL : TRANSPARENCY INTERNATIONAL - INITIATIVE MADAGASCAR RÉVÈLE LES COÛTS ESTIMATIFS DES POTENTIELS ACTES DE CORRUPTION

ÉCONOMIE BLEUE: LA LUTTE CONTRE LA PÊCHE INN,UN DÉFI POUR L’AFRIQUE ET L’OCÉAN INDIEN

DISTRIKAN’AMBANJA: Sehatr’asa azo ivelomana ny jono saingy simbain’ny tsy ara-dalàna.

Désinformation : un facteur de  corruption électorale

VaovaoCheck : une croisade à la reconquête de l’information

SANTÉ PUBLIQUE :À QUI PROFITE LE FONDS D’ÉQUITÉ ?

Industrie extractive : L’Omnis a mauvaise mine

Espèces sauvages : Tortues de Madagascar, l’éternelle proie des braconniers

RIO TINTO QMM : Des ristournées détournées !

Ligne FCE : un train dans le gouffre

Voir plus d'actualités.

Espèces sauvages : Tortues de Madagascar, l’éternelle proie des braconniers

21 000 tortues de Madagascar ont fait l’objet de trafics entre 2018 et 2021, d’après l’ONG Traffic qui œuvre dans la surveillance du commerce d’espèces sauvages dans le monde. C’est une exploitation illégale qui prend source dans le Sud malgache pour s’étendre de façon tentaculaire vers l’étranger. Dans l’Atsimo Andrefana et l’Androy, nous sommes descendus sur les terres des tortues, colonisées par les trafiquants.

Il est midi, à Mahavatsy, Toliara II. Dans une gargote du marché, Joseph s’approche discrètement : « Si vous voulez goûter de la viande de tortue, c’est 50.000 Ar pour un spécimen adulte », chuchote-t-il, conscient de communiquer un fait illégal. Joseph refuse de nous faire rencontrer ses fournisseurs : la vente et la consommation de tortue, animal protégé, est interdite.

Plus tard, à Mangily, village de pêcheurs et lieu touristique situé à une trentaine de kilomètres de Toliara, Toky, rabatteur pour les restaurants de la plage accoste les touristes : « On propose des plats de sokake à 45 000 Ar et des plats de tortues de mer à 50 000 Ar ».

Autrefois frappées de « fady », interdit lié à la coutume locale, les tortues faisaient partie de ces animaux que d’aucuns ne touchaient, ni ne consommaient. Dans le Sud malgache, on accordait aux tortues quelques vertus mystiques mais aussi curatives, si bien qu’elles étaient protégées par la tradition et respectées du fait de leur bienfait. Mais depuis quelques décennies, les tortues sont victimes d’une véritable razzia. Eonintsoa, responsable animalier au village des tortues de Mangily explique : « Auparavant, même le fait de toucher une tortue était tabou pour les Malgaches du Sud. Mais actuellement, la tortue représente beaucoup trop d’argent en jeu. Comme la pauvreté frappe durement la partie Sud de l’île, la population survit en braconnant des tortues en pleine forêt pour les vendre. »

Des bébés tortues vendues en pleine rue de Toliara. Crédit photo : José Rakobe/Andry Germain Andrianalitsoa

De 12 millions de tortues à une tortue à l’hectare

Au-delà du paysan qui collecte illégalement des tortues dans les forêts, le trafic de ces animaux atteint des sommets. Il organisé par des trafiquants dont les réseaux tentaculaires s’étendent bien au-delà de l’Atsimo Andrefana et de l’Androy, terres de prédilection de ces espèces endémiques à Madagascar. Chassées pour la consommation ou pour l’élevage en tant qu’animaux de compagnie, elles sont la proie de malfaiteurs de tout acabit : paysans précaires, trafiquants aguerris, autorités complices et clients peu scrupuleux.

Madagascar répertorie neuf espèces de tortues, dont cinq sont endémiques à l’île. L’étendue de ce trafic illégal est telle que si le WWF évaluait la population de tortues radiées à 12 millions d’individus en 1990, « on ne compte plus qu’une tortue radiée à l’hectare de nos jours », déclare Soloantsoa Mampionona Jeannin, directeur régional de l’Environnement et du Développement Durable de l’Androy.

On ne compte plus qu’une tortue radiée à l’hectare dans l’Androy. Crédit photo : José Rakobe/Andry Germain Andrianalitsoa

Les tortues radiées ou étoilées (Astrochelys radiata), sokake, se trouvent exclusivement dans le Sud de l’île et sont les plus prisées par les consommateurs locaux. A Mangily, Toky, le rabatteur pour les restaurants de la plage confie : « La viande fraîche, préparée, séchée ou fumée est disponible par kilo, tout comme on peut en acheter par individu, vivant ou mort, entre 20 000 à 50 000 Ar ». A Toliara et dans les environs, cette denrée rare est baptisée « la spéciale ».  Le marché est juteux pour les trafiquants. Nos informateurs affirment que le prix moyen d’une tortue radiée achetée par le collecteur est de 30.000 Ar. A la revente, ces tortues valent entre 10.000 Ar et 200.000 Ar l’unité.

Pour les commandes destinées à l’exportation, les angonoka (Astrochelys yniphora), tortues à soc endémiques à la baie de Baly et la zone de Soalala, sont achetées à 5.000 Ar l’unité. Les collecteurs revendent les tortues adultes entre 300.000 à 400.000 Ar la pièce et les juvéniles à 800.00 Ar en moyenne. Ces dernières sont plus chères car elles peuvent être transportées dans une valise, à cause de leurs petites tailles. Cependant, les prix peuvent frôler des montants exorbitants : nos sources nous indiquent que sur les marchés européens et asiatiques, l’angonoka peut valoir jusqu’à 800 euros.

Malgré les contrôles, les sanctions, les campagnes de sensibilisation et de dissuasion massives, les trafiquants ne reculent pas. L’appât du gain est tel que même l’internaute lambda s’y intéresse. Et pour preuve, il suffit de faire quelques menues recherches sur des réseaux sociaux comme Facebook pour trouver des propositions de vente ou des commandes.

Un parc à la merci des braconniers

Le parc national de Tsimanampetsotse est l’une des zones victimes de l’invasion des braconniers : « Les périodes de fête sont les plus sensibles, car les gens sont demandeurs de viande de tortues à ces époques. Les commandes viennent même d’Antananarivo », croit savoir Beberon Randriamampionona, chef secteur Madagascar National Parks (MNP) à Beahitsy. Les collecteurs illégaux agissent de deux façons : le trafic de tortues par le littoral et le trafic de tortues en traversant le plateau calcaire Mahafaly qui abrite le parc national.

Beberon Randriamampionona, chef secteur Madagascar National Parks (MNP) à Beahitsy. Crédit photo : José Rakobe/Andry Germain Andrianalitsoa

Pour le trafic par voie terrestre, les trafiquants évitent les routes nationales où ils risquent de se faire contrôler par les forces de l’ordre. Ils préfèrent franchir le plateau calcaire et entrent dans le parc. « C’est à 240 km de la limite du parc que les braconniers s’introduisent. Ils traversent le parc à pied pendant quatre jours et cinq nuits, en partant du village de Fotadrevo », explique Randriamampionona. Les communes rurales de Fotadrevo, de Soamanga et de Lazarivo sont concernées par l’itinéraire des trafiquants : « D’après nos renseignements, la population de ces trois communes réceptionne les tortues et les acheminent vers d’autres lieux. Ils consomment aussi de la viande de tortues », éclaire Rojo Rakotozafy, procureur du Tribunal de première instance (TPI) d’Ampanihy.

Le plateau calcaire Mahafaly, terres de prédilection des tortues…et de leurs braconniers. Crédit photo : José Rakobe/Andry Germain Andrianalitsoa

L’aire protégée est-elle donc aussi poreuse pour que les braconniers puissent y circuler librement ? Rojo Rakotozafy déclare, en tant que procureur d’Ampanihy : « J’ai signifié au directeur du MNP et aux gestionnaires des parcs qu’ils avaient une part de responsabilité, car ils sont les garants des parcs. On sait que les braconniers se déplacent en groupes au cœur des réserves et y restent entre deux à trois semaines pour collecter les tortues. Les uns capturent les tortues, les autres se chargent de les tuer et de préparer la viande en utilisant la technique de fumage. L’odeur de la viande fumée doit évidemment se répandre partout. Alors pourquoi, durant ces plusieurs semaines, aucun de ces braconniers n’est arrêté ? »

L’autre évidence cependant est aussi difficile : les moyens manquent cruellement pour assurer une protection permanente et opérationnelle. « Effectivement, les responsables ont avoué que les gardes forestiers travaillaient en sous-effectif et ne peuvent par conséquent pas surveiller tout le secteur », admets le procureur. Sachant que les braconniers sont nombreux, travaillent en bande organisée et que certains sont armés, on devine que les moyens ne sont équilibrés.

Cocardes et laissez-passer détournés

Les trafiquants organisent la collecte des tortues, qu’ils stockent dans un ou plusieurs locaux, le temps d’arranger le transport en voiture par la route nationale 7 vers Antananarivo : taxi-brousse, véhicule de locations, automobiles de particuliers etc. Depuis quelques années, une autre forme de trafics de tortues se fait aussi remarquer. L’usage détourné des laissez-passer, coupe-files, cocardes de fonction et même des véhicules officiels pour l’acheminement illégal de tortues est remarqué dans le Sud de l’île. « Souvent, les forces de l’ordre sont réticents à contrôler les véhicules officiels et les voitures de luxe. Si un véhicule a des vitres fumées, ils n’osent pas procéder au contrôle de peur que l’automobile appartienne à un haut dirigeant. D’autres personnes utilisent aussi les cocardes sur leurs véhicules, et les agents de police ne les contrôlent pas systématiquement par peur d’être sanctionnés. Les cocardes sont être utilisées quand les parlementaires sont à bord du véhicule. Mais maintenant, les cocardes sont posées en permanence, même si la voiture ne transporte pas ou n’est pas conduite par le parlementaire. Actuellement, même les assistants parlementaires utilisent ces cocardes ! », s’indigne Rojo Rakotozafy. Le procureur d’Ampanihy explique aussi avoir « sensibilisé les forces de l’ordre, surtout les gendarmes et les policiers de la route pour qu’ils procèdent aux contrôles de façon minutieuse. Il n’y a pas de loi spéciale qui stipule que certaines personnes ou voitures ne peuvent être fouillées ».

Rojo Rakotozafy, procureur du Tribunal de première instance (TPI) d’Ampanihy. Crédit photo : José Rakobe/Andry Germain Andrianalitsoa

Transaction en haute mer

Il n’est pas rare que les trafiquants évitent l’acheminement par terre et choisissent plutôt les pirogues et bateaux. A Lavanono, village de pêcheurs situé à l’extrême sud-ouest des côtes de Madagascar dans la région de l’Androy, les trafiquants ont peaufiné leur stratégie. Jean de Dieu Tsidineha, chef de fokontany à Lavanono explique le mécanisme : « Les trafiquants viennent dans l’Androy en partant de Toliara et de Mahajanga. Ils utilisent des vedettes et sont en contact téléphonique avec les braconniers de Lavanono et des environs. Ces derniers amènent les tortues dans une barque, pour les vendre avec les braconniers à bord de leurs vedettes ».

Jean de Dieu Tsidineha, chef de fokontany à Lavanono. Crédit photo : José Rakobe/Andry Germain Andrianalitsoa

A Lavanono, les lieux presque inhabités comme Ampasipotsy ou Bongolava sont des repaires tout indiqués pour ce commerce illicite. « Les braconniers déposent les tortues dans les environs de ces sites désertés. Ils n’opèrent pas au grand jour. Par exemple, ils font une halte à Fanombosa et ne se déclarent à leurs clients que lorsqu’ils en reçoivent le signal ». Le signal consiste en un jeu de lumière : « Si on a une lumière verte, cela signifie que les braconniers amarrent leurs vedettes et la transaction peut se faire. Une lumière rouge signifie qu’ils ne sont pas encore prêts », relate Jean de Dieu Tsidineha. C’est la voie maritime qui est de plus en plus utilisée par les trafiquants ces dernières années : « Grâce à la campagne massive de protection des tortues, les trafiquants abandonnent les acheminements par terre et passent plus souvent par la mer ».

Réseau tentaculaire

Les tortues volées passent des mains des braconniers vers celles de trafiquants. Ensuite, comment sont-elles acheminées hors de Madagascar ? Arrivées à Toliara, les tortues sont acheminées par la route nationale 7 pour rejoindre l’aéroport international d’Ivato. Par voie aérienne, elles rejoindront illégalement les portes de l’Asie. L’exportation illégale peut aussi se faire en rejoignant Mayotte et les îles Comores, au départ des aéroports de Mahajanga et de Nosy Be.

Par la mer, les tortues sont acheminées depuis le port de Toliara en boutres ou en bateaux vers l’Asie ou bien, plus proches, au Mozambique. Il est aussi possible pour les trafiquants de déplacer les tortues de Toliara vers Mahajanga, de rejoindre les Comores et enfin directement le continent asiatique ou bien en faisant escale vers la Tanzanie. Ce sont des voyages aux conditions particulièrement difficiles au cours desquels les animaux sont entassés dans des valises, des conteneurs et des caisses pendant plusieurs jours, voire des semaines.

Jean de Dieu Tsidineha, chef de fokontany à Lavanono. Crédit photo : José Rakobe/Andry Germain Andrianalitsoa

Interceptées à bord d’un bateau

En juillet 2022, dans le Boeny, l’équipage d’un bateau baptisé Simacom II a été arrêté après un contrôle inopiné effectué par les autorités douanières du port de Mahajanga. Ce contrôle, qui fait suite à un signalement, a permis de déjouer une tentative d’exportation illicite de 36 tortues radiées, découvertes dans une cabine. Le bateau devait rejoindre les îles Comores. Dr Max Zafisolo, receveur des douanes de Mahajanga se rappelle : « Le Skipper ainsi que les trois autres membres d’équipage, tous de nationalité comorienne ont été incarcérés. Leur embarcation a été immobilisée à quai, sur ordre de l’Agence Portuaire Maritime et Fluviale (APMF) »

Les autorités portuaires effectuent des contrôles, mais certaines infractions passent par les mailles de leurs filets. « On ne peut pas tout voir. Les marchandises découvertes dans le port ne passent pas forcément par le portail. Il est fort possible qu’elles aient été acheminées par barque ou par vedette. La douane est responsable de la marchandise lors de l’ouverture du port. L’intérieur du port est sous la surveillance de plusieurs responsables dont les manutentionnaires, les magasiniers, les agents de sécurité », explique le receveur des douanes de Mahajanga.

Dans le code des douanes, la tortue radiée fait partie de la catégorie des marchandises à prohibition absolue. Elle figure dans la liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) en tant qu’espèce « critiquement en danger » et mentionnée dans l’annexe I de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES). Selon la loi malgache, toute infraction y afférente (transport, consommation, exportation) est frappée d’une amende de 100 à 400 millions Ar.

Pour les 36 tortues trouvées à bord du SIMACOM II, « nous avons demandé une amende équivalant au double de la valeur de la marchandise, mais le tribunal n’a accordé que la moitié. Nous n’étions évidemment pas satisfaits de ce verdict », explique Dr Max Zafisolo. Les responsables des douanes de Mahajanga ont donc fait appel.

On croit savoir que le verdict du Tribunal de première instance (acquittement de deux personnes, dont le commandant du bateau, et condamnation avec sursis pour trois autres) est dénoncé par le ministère public qui a également effectué un pourvoi en cassation. Seule direction régionale de l’Environnement et du Développement Durable du Boeny s’est abstenue de faire appel bien que première concernée dans la protection des espèces sauvages de Madagascar. Nous avons sollicité un commentaire de la direction régionale qui a affirmé ne pas être en droit de répondre aux questions des journalistes.

Pluie d’interventions et barrière anticorruption

Sous couvert d’anonymat, une source nous confie l’envers du décor des affaires de trafics d’espèces rares telles que les tortues : « Quand les cas sont traités devant les autorités locales, les interventions font souvent partie des procédures. Les trafiquants de tortues en profitent. Tout se passe par un coup de téléphone : menaces, intimidations, ordres déguisés en recommandations ».

Dans l’Atsimo Andrefana, la directrice régionale de l’Environnement et du Développement durable, Soary Tahafe Randrianjafizanaka, nous confie : « Des personnes nous appellent pour nous intimider personnellement, pour nous dire que quoi que nous fassions, le dossier sera de toute façon classé ». A Beahitsy, Beberon Randriamampionona qui travaille dans le parc de Tsimanampetsotse n’échappe pas aux interventions. « Quand des arrestations de trafiquants sont effectuées dans le cadre de mon travail, des gens me menacent au téléphone. Les interventions existent toujours et je me demande comment ils arrivent à avoir mon numéro ? » Il n’y a pas de doute cependant que ces braconniers bénéficient d’appuis solides à des sphères supérieurs. « Certains braconniers ont des armes et n’ont aucun scrupule à menacer les officiers de police judiciaire qui procèdent à leur arrestation », confie une source qui requiert l’anonymat.

A Ampanihy, dans l’Androy, le procureur du tribunal de première instance Rojo Rakotozafy réagit aussi : « Je ne dirai pas qu’il n’y a pas eu d’interventions auparavant. Mais, maintenant je suis là, et je ne tolérerai aucune intervention sur une affaire de tortues ». Dans cette région, l’Etat a déjà pris les devants pour contrecarrer les tentatives de corruption et d’intimidation. Au sein de la DREDD de l’Androy, le Bureau indépendant anticorruption (Bianco) a déployé une stratégie pour prévenir ces cas de trafics d’influences ou d’interventions. Soloantsoa Mampionompo Jeanin, directeur régional de l’Environnement et du Développement Durable de l’Androy explique : « Le réseau d’acteurs est une collaboration de représentants de la région, la préfecture, de la DREDD, du tribunal, des forces de l’ordre, de l’Alliance pour la survie des tortues (TSA) et des organisations de la société civile.  Cette collaboration a été instaurée en vue de prévenir les cas de corruption concernant les trafics de tortues. Il se pourrait en effet que le traitement d’un dossier soit entaché de tentatives de trafic d’influence ou des pressions. C’est en particulier le cas lors d’affaires concernant l’exportation de tortues juvéniles. ». Le DREDD Androy est optimiste : « Le président du tribunal ou les gendarmes peuvent subir des pressions, mais si nous unissons nos forces et travaillons en réseau, ces pressions ne pourront pas nous atteindre »

Soloantsoa Mampionompo Jeanin, directeur régional de l’Environnement et du Développement Durable de l’Androy. Crédit photo : José Rakobe/Andry Germain Andrianalitsoa

Certaines décisions en haut lieu sont prévues par la loi et difficiles à contrecarrer. Le procureur au sein du tribunal de première instance dans le Boeny, Cléridès Imbiky invoque l’ordonnance 2005-005 du 22 mars 2006 portant la loi organique relative au statut de la magistrature, ainsi que des articles 152 et 148 du code de procédure pénale : « les interventions existent venant de toutes autorités. Je n’accepte que celles venant du ministre de la Justice et du Secrétaire Général du ministère, car c’est indiqué dans la loi. » 

Silence

Si le réseau de trafiquants est si difficile à démanteler, c’est également pour des raisons culturelles et sociales, dans l’Androy. Pris au collet, les petits braconniers taisent les noms de leurs commanditaires : amendes, risques de prison et blâme n’ont délient pas leurs langues. Et pour cause : « C’est une tradition, c’est culturel », explique le procureur d’Ampanihy, Rakotozafy. « Ils pratiquent une espèce de rituel où il y a de l’alcool et des sacrifices d’animaux. Chacun boit le sang de l’animal, en guise de serment. Plus tard, s’ils se font arrêter, personne ne citera de noms. Et ceux qui auront échappé aux forces de l’ordre feront tout pour sauver leurs partenaires. A l’interrogatoire, ils nient avoir des complices et préfèrent assumer le crime tous seuls ». Ce rituel a quasiment valeur d’engagement pour les braconniers. « D’ailleurs, ils sont peur qu’en dénonçant leurs complices un malheur ne frappe leurs familles. Alors ils se taisent. On ne peut rien en tirer durant leur audition ».

Peines non dissuasives

Les peines appliquées restent peu dissuasives pour les coupables, d’après certains commentaires. Selon la loi n°2005‑018 du 17 octobre 2005 sur le CITES, « la possession, l’achat, l’acquisition à des fins commerciales, l’utilisation dans un but lucratif, l’exposition au public à des fins commerciales, la vente, la détention pour la vente, la mise en vente et le transport pour la vente de tout spécimen appartenant à une espèce inscrite aux Annexes I, II, III ou relevant de l’annexe IV » (article 29, alinéa 7), sont « punis d’une peine de six mois à deux ans d’emprisonnement et d’une amende de 10 millions Ar à 50 millions Ar 000 000 ou de l’une de ces deux peines seulement » (article 32).

Le substitut du procureur au sein du tribunal de première instance d’Ambovombe, Valérie Ratsimandisa développe : « Le problème, c’est l’existence de charges discutables. Les individus arrêtés disent n’être que des transporteurs. Ceux qui consomment la viande de tortues disent agir par pauvreté et famine. L’application des sanctions se base alors sur ces constats. Nous ne sommes pas entièrement dans la répression. Oui, certes, la répression est appliquée, mais il faut considérer aussi la proportionnalité par rapport à l’acte. Le tribunal n’est pas une machine, le côté humain est mis en avant et les décisions doivent refléter cette image. »

Le directeur régional de l’Environnement et du Développement Durable de l’Androy, Soloantsoa Mampionompo Jeanin, commente : « Avec une peine de six mois d’emprisonnement, personne ne passera aux aveux. Au niveau de la direction régionale, nous produisons nos conclusions. Nous intégrons la loi n°2005018 du 17 octobre 2005 sur la CITES qui sanctionne certains délits de deux à dix ans d’emprisonnement et nous sollicitions l’application de ces peines. »

En effet, dans l’article 30 de cette même loi, une peine de deux à dix ans d’emprisonnement sanctionne une série d’infractions dont notamment l’importation, l’exportation, la réexportation sans permis ou certificat valide. : « Or, les personnes deviennent des récidivistes car la peine de deux ans ne suffit pas à les dissuader », s’indigne Soloantsoa Mampionompo Jeanin. « Il arrive aussi qu’on détourne le motif en arguant que ce n’est pas un cas d’exportation. La loi CITES s’applique dans le cas d’exportation de tortues, et on détourne l’attention en évoquant que les tortues sont encore sur le territoire malgache. Pourtant, on sait que ces tortues sont destinées à l’exportation, en particulier les tortues juvéniles qui sont convoitées par la clientèle extérieure ».

Les conventions communautaires en garde-fou

Outre les sanctions prévues par la loi, les conventions communautaires font aussi office de garde-fou. Par exemple, le « lilintany », littéralement la loi de la terre, instauré dans l’Androy depuis 2012 définit les peines et les sanctions concernées par cette convention », rappelle le chef du fokontany de Lavanono. La convention communautaire est particulièrement dans ce village de pêcheurs où les trafics de tortues sont fréquents. Pour les tortues braconnées pour être consommées,la sanction du coupable varie en fonction de la carapace de la tortue, dont les écailles grandissent avec leurs corps. Chaque écaille est appelée carreau, et chaque carreau vaut 200 000 Ar. « Si la carapace de la tortue compte trente-cinq carreaux, l’amende est multipliée trente-cinq fois »

Dans le cas d’exportation, la convention prévoit le paiement d’une amende de 800.000 Ar au village d’origine de la tortue. Le coupable doit aussi s’acquitter d’une somme de 170 000Ar et d’un sac de riz pour le représentant communautaire chargé de conduire le traitement du dossier, et de 20.000 Ar pour l’informateur. « Cette convention collective ne garantit pas que l’affaire ne soit pas portée en justice », conclue Jean de Dieu Tsidineha, de Lavanono.

D’après les données de la DREDD de l’Androy, pour la seule année 2022, 979 tortues volées et prévues à l’exportation, ont pu être interceptées. Entre 2019 et 2022, quelques 4568 tortues radiées, cinq pyxis et 10 kg de viande de tortue ont été saisies dans l’Androy. Quarante personnes ont été placées sous mandat de dépôt, une vingtaine de déferrements ont été enregistrés.

ENCADRE

20 à 50 millions d’Ar pour relâcher les tortues

Une fois sauvées des griffes de leurs trafiquants, les tortues sont recueillies par des centres spécialisés appelés villages de tortues. Le TSA en fait partie. Les centres s’occupent de soigner les animaux, dont la plupart sont en piteux état. Une fois les tortues guéries et en meilleure santé, elles sont relâchées dans leur milieu naturel. Un procédé qui coûte cher. En effet, pour organiser la remise en liberté des tortues, les ONG doivent pendre en charge les indemnités des élus et responsables locaux, tels que les chefs de régions, les directeurs impliqués, les maires. Elles doivent aussi indemniser les éléments d’escorte des forces de l’ordre. Le montant des indemnisations de tout ce monde va de 36 000 Ar à 100 000 Ar par personne. A part cela, les ONG doivent aussi nourrir la communauté lors de la remise en liberté des tortues : repas, viande de zébus et de chèvres. En général, pour organiser le rituel de relâchement de tortues est colossal. Pour avoir une idée de la fourchette : en décembre 2022, TSA a eu l’occasion de libérer 1000 tortues radiées juvéniles soignées à Tsihombe. Dr Tony Ralivaniaina, chef du centre d’accueil de Ala Mahavelona de Tsihombe explique : « Le budget est compris entre 20 à 50 millions d’Ar. Mais nous sommes une petite ONG et nos moyens sont limités. Aussi, on a essayé de limiter nos dépenses, si bien que le rituel de relâchement des tortues nous a coûté 25 millions Ar ».  

La remise en liberté des tortues nécessite au bas 20 millions d’Ar. Crédit photo : José Rakobe/Andry Germain Andrianalitsoa

Malgré le soutien de leurs partenaires financiers, les ONG ne pourront pas éternellement assurer seules les soins et protections des tortues recueillies. Les ONG, même soutenues par leurs partenaires financiers, ne pourront prétendre assurer par leurs seuls moyens la protection des tortues. Elles font appel à la prise de conscience et à la contribution de tous, surtout de l’Etat. « TSA est la première ONG à œuvrer dans la protection des tortues à Madagascar. Sans le financement de nos bailleurs, nos activités s’arrêteront. L’Etat n’appuie pas la TSA. Si les activités de la TSA devaient s’arrêter, et tant que l’Etat ne réagit pas, le trafic prendrait de l’ampleur », explique Dr Tony Ralivaniaina.

Un centre d’accueil spécialisé dans les soins, le suivi des tortues saisies et leur remise en liberté. Crédit photo : José Rakobe/Andry Germain Andrianalitsoa

Lire la suite

Ces articles peuvent aussi vous intéresser

Articles les plus consultés

Articles récents

PROCESSUS ÉLECTORAL : TRANSPARENCY INTERNATIONAL – INITIATIVE MADAGASCAR RÉVÈLE LES COÛTS ESTIMATIFS DES POTENTIELS ACTES DE CORRUPTION

D’après le calendrier officiellement établi par la Commission Électorale Nationale 16 novembre 2023 : une élection contestée sur fond d’irrégularités, de violences, de violations de...

ÉCONOMIE BLEUE: LA LUTTE CONTRE LA PÊCHE INN,UN DÉFI POUR L’AFRIQUE ET L’OCÉAN INDIEN

La corruption et la pêche illégale non-déclarée et non-réglementée (INN) menacent la sécurité alimentaire des populations côtières de Madagascar et de l’océan Indien. Ces...

DISTRIKAN’AMBANJA: Sehatr’asa azo ivelomana ny jono saingy simbain’ny tsy ara-dalàna.

Te hampiroborobo ny jono izay fiveloman’ny maro an’isa ao Ambanja, faritra DIANA, ireo mpanjono any an-toerana, ary misy tokoa ny ezaka hanafoanana ny tsindry...

Tags les plus consultés

Formulaire de Contact malina

Bonjour,
Votre message a bien été envoyé.

L'équipe MALINA

Formulaire de Contact malina

Erreur

Bonjour,
Veuillez réessayer votre demande svp !

L'équipe MALINA

Newsletter malina

Confirmation inscription

Bonjour,
Nous sommes très heureux de confirmer votre abonnement à la newsletter MALINA.

L'équipe MALINA

Newsletter malina

Erreur

L'équipe MALINA

Ce site web utilise des cookies.

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez, l'utilisation des cookies